Dans les troubles du sommeil et dans l’anxiété, il est préférable de mettre d’abord en œuvre tous les moyens non médicamenteux exposés ici et ici.
Avant les médicaments, la Valériane pour les troubles du sommeil et l’Huile Essentielle de Lavande Vraie pour l’anxiété méritent d’être essayés (voir infra).
Les médicaments ne sont à utiliser qu’en dernier recours et ponctuellement.
Benzodiazépines :
• Les Benzodiazépines (BZD) ont des actions anxiolytique, anti-convulsivante, myorelaxante, sédative et amnésiante.
Leur effet myorelaxant et sédatif peut conduire à des chutes, parfois graves. Leur usage prolongé conduit à des troubles de la mémoire et à des dépendances et favoriserait la maladie d’Alzheimer. Elles doivent être utilisées le moins longtemps possible.
Les effets secondaires peuvent être moindre si la molécule et ses éventuels dérivés (« métabolites ») actifs restent peu longtemps dans le corps. Il est donc préférable de choisir une benzodiazépine à « demi-vie » (temps nécessaire à l’élimination de la moitié du produit dans le sang) courte et sans métabolite actif. Cependant, les BZD à demi-vie très courte peuvent être plus sédatives et exposer plus que les autres à des amnésies, du somnambulisme et des conduites automatiques. Selon ces critères, on privilégiera le SERESTA (Oxazépam), qui a une ½ vie de 8h00, ou le TEMESTA (Lorazépam), qui a une demi-vie entre 10 et 20h00. Voir ici les 1/2 vie BZD et ici les 1/2 vie hypnotiques.
Pour traiter une phase d’anxiété, le SERESTA (Oxazépam) est le premier choix. Si l’anxiété est majeure, il est préférable de prendre une dose 3 à 4 fois par jour, à heures fixes, avant que l’anxiété ne s’installe. Si le SERESTA n’est pas assez efficace, le TEMESTA (Lorazépam) peuvent rendre service, si possible en n’en prenant que matin et soir.
Pour traiter un trouble du sommeil, les BZD sont une solution pour une courte période si les conditions d’un bon sommeil ne sont pas suffisantes.
– Le SERESTA (Oxazépam) pris une à deux heure avant le coucher est également le premier choix. Si l’on veut avoir un effet anxiolytique qui se prolonge dans la journée, le TEMESTA (Lorazépam) est indiqué (demi)vie entre 10 et 20h00).
– L’HAVLANE (Loprazolam) aide à l’endormissement et à dormir 7-9h00 d’affilée.
– L’IMOVANE (Zopiclone ; apparenté aux BZD) aide à l’endormissement et à dormir 5h-8h00 d’affilée, mais il a un métabolite actif qui peut expliquer de rares cas de somnolence matinale. Il laisse un goût amer dans la bouche au réveil.
– Le VERATRAN (Clothiazépam) peut induire l’endormissement (son action apparaît rapidement) ; il n’agit que 3-4h00.
– le STILNOX (Zolpidem ; apparenté aux BZD) est à éviter car malgré l’absence de métabolites actifs, des effets résiduels le lendemain de la prise sont parfois observés : des centaines d’accidents de la route liés au Stilnox ont été notifiés. De plus, il expose à des risques accrus d’abus, de dépendance, de somnambulisme et de conduites automatiques. Sa prescription répond aux règles des produits stupéfiants.
– le MOGADON, le NUCTALON et le NOCTAMIDE (précurseur du TEMESTA) sont à éviter en raison de leur demi-vie très supérieure à le durée d’une nuit.
L’efficacité des BZD diminue en général après deux à quatre semaines d’usage quotidien.
En cas de prise quotidienne, l’arrêt brusque d’une BZD entraîne souvent des troubles liés au sevrage : anxiété, tremblements, aggravation des troubles du sommeil, cauchemars, et parfois agressivité, hallucinations, confusion mentale, convulsions. Ce qui peut faire croire, à tort, que le médicament était efficace, et incite parfois à continuer d’en prendre. Ces troubles durent parfois plusieurs semaines et sont d’autant plus sévères que la BZD a été prise longtemps et à dose élevée. Les personnes âgées y sont particulièrement sensibles.
En conséquence : l’arrêt d’une BZD doit être très progressif, par exemple d’1/4 de cp toutes deux semaines.
En dehors des BZD et apparentés, pour traiter le sommeil, on peut utiliser :
– le DONORMYL (Doxylamine), un anti-histaminique H1. Il présente peu d’effets secondaires (sauf anticholinergiques : constipation, bouche sèche, confusion chez les personnes âgées, rétention d’urine sur adénome prostatique,…). Vendu sans ordonnance.
En dernier recours, après échec des mesures non médicamenteuses et des autres médicaments, sous surveillance, certains médecins prescrivent les médicaments hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) suivants, malgré un faible niveau de preuve (1) :
– le LAROXYL (Amitryptiline) en gouttes, une heure avant le coucher (anti-dépresseur à partir de 75 gouttes, une dizaine de gouttes suffisent en général pour traiter le sommeil). Effets secondaires anticholinergiques plus marqués qu’avec DONORMYL.
– la MIANSERINE 10mg, à prendre une à deux heures avant le coucher, aide à retrouver un sommeil réparateur (même si elle peut donner des rêves prégnants et une impression de sommeil agité). Peut être sédative le matin. ½ cp peut suffire. Risques rares d’hépatite, d’agranulocytose.
– le QUITAXON (Doxépine) 10mg, 1/2 cp deux heures avant le coucher
– le TERCIAN (Cyamémazine), le THÉRALÈNE (Alimémazine), le LOXAPAC (Loxapine) peuvent rendre service dans certains cas difficiles mais avec tous les risques des neuroleptiques et les risques d’interactions, notamment avec les médicaments cardio-toxiques.
L’ATARAX (Hydroxyzine), un anti-histaminique doit être évité en raison de l’importance de ses effets anticholinergiques et de ses risques cardiaques (allongement de la conduction entre les oreillettes et les ventricules (espace QT)).
La MÉLATONINE
Caractéristiques
La Mélatonine est une hormone produite dans le cerveau par l’épiphyse (glande pinéale), à partir d’un acide aminé, le Tryptophane (elle est également sécrétée par la rétine, l’intestin, la peau, les plaquettes sanguines et la moelle osseuse). Elle informe l’organisme de l’alternance jour/nuit et du rythme circadien (horloge interne du corps).
La Mélatonine a, par ailleurs, des effets sur l’humeur, le système immunitaire, la motricité intestinale et le comportement sexuel. Elle est vaso-active et intervient dans la régulation de la température corporelle et du taux d’insuline.
Par ses différentes actions, elle peut provoquer, lorsqu’elle est prise en supplémentation, des effets secondaires :
-
- réactions d’hypersensibilité,
- malaises,
- hypersomnies,
- troubles neuro-psychiques : dépressions, aggravation des troubles de l’humeur, agressivité, cauchemars, anxiété, céphalées, troubles de la mémoire
- troubles cardio-vasculaires, dont angors, palpitations, hypertension artérielle
- troubles digestifs : douleurs abdominales, constipation, pancréatite aigüe
- troubles cutanés
- troubles musculo-squelettiques dont maux de dos, douleurs cervicales, douleurs articulaires
- prises de poids
Lors d’un traitement par Mélatonine, il faut surveiller la tension artérielle, à la recherche d’une hypertension artérielle. Il faut également être attentif à l’apparition de troubles neuro-psychiques pouvant être causés par le médicament, tels que convulsions, changements d’humeur, symptômes dépressifs.
La supplémentation de Mélatonine inhibe la synthèse endogène de Mélatonine (la glande pinéale « juge » qu’elle n’a plus à travailler, puisque on apporte le fruit de son travail par des comprimés). Il est recommandé de ne pas dépasser 13 semaines de traitement continu (RCP du Circadin). Il probablement préférable de ne pas dépasser un mois, pour avoir le plus de chances possibles de ne pas mettre définitivement la glande pinéale au repos. Étonnamment, pour une forme de Mélatonine pour enfants (qui a reçu l’AMM en 2025), ADAFLEX, la HAS indique : » Des données limitées sont disponibles pour un traitement allant jusqu’à 3 ans maximum. Après au moins 3 mois de traitement, le médecin doit évaluer l’effet du traitement et envisager l’arrêt du traitement s’il ne donne lieu à aucun effet cliniquement pertinent. Pendant le traitement, en particulier si l’effet du traitement est incertain, des tentatives d’arrêt doivent être faites régulièrement, par exemple une fois par an. »
Sa demi-vie est de 4h00 (d’où l’intérêt, dans certains cas, de formes à libération prolongée).
La Mélatonine est sensible aux interactions médicamenteuses (métabolisée par les isoenzymes CYP 1A1, 1A2 et 1C19 ; un risque de surdosage apparaît en association avec des médicaments inhibant ces enzymes). Elle est, elle-même, inducteur enzymatique (active le travail de certaines enzymes, d’où le risque de diminuer l’efficacité de certains médicaments et de provoquer un surdosage de ces médicaments à l’arrêt de la Mélatonine).
Les effets à long terme d’une supplémentation ne sont pas connus.
La Mélatonine doit être évitée chez la femme enceinte (des malformations et un trouble neuro-développemental ne peut être écarté ; aux deuxième et troisième trimestres de la grossesse et à la naissance, le fœtus puis le nouveau-né sont exposés aux effets indésirables de la Mélatonine. La Mélatonine passe dans le lait maternel.
Indications thérapeutiques
La Mélatonine est censée améliorer le sommeil (endormissement et maintient du sommeil) chez les personnes de plus de 55 ans.
La Mélatonine est proposée aux enfants présentant un TDAH, non traités par psychostimulants, quand les insomnies altèrent fortement la qualité de vie des enfants et de leur entourage malgré des mesures d’hygiène du sommeil. Elle permet de réduire le délai d’endormissement et d’allonger la durée du sommeil mais souvent au prix d’effets secondaires. En revanche, lorsque l’enfant est traité par psychostimulants, la Mélatonine n’a pas d’efficacité démontrée. (Prescrire, Février 2025, p.91). pour ADAFLEX, le RCP ne limite pas l’indication aux enfants non traités par psychostimulants (l’indication concerne : » l’insomnie chez les enfants et les adolescents âgés de 6 à 17 ans présentant un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) lorsque les mesures d’hygiène de sommeil ont été insuffisantes. »)
Selon une Présentation au Congrès du Sommeil nov 2022 : La Mélatonine n’agit qu’au bout de trois jours. La teneur en Mélatonine à libération immédiate est variable selon les formes proposées. Il est préférable de demander une préparation magistrale. La Mélatonine peut être utile pour traiter le retard de phase, prise à une posologie entre 0,5 et 1 mg, quelques heures avant le coucher.
L’Académie Américaine du Sommeil a publié un guide dans lequel la Mélatonine est recommandée (faible niveau de recommandation) pour les retards de phase de sommeil (mais : dose non établie (entre 0,3 et 5 mg), forme non précisée, heure d’administration variable selon les études (début de journée ou trois heures avant l’heure souhaitée d’endormissement). Elle est également recommandée dans les dérèglement du rythme circadien chez les aveugles.
Une revue de 2022 (Poza 2022), indique différents points intéressants : la Mélatonine traverse librement la barrière hémato-encéphalique ; plus la dose est élevée, plus le métabolisme est lent, dans ces cas, la Mélatonine doit être prise non pas au coucher mais plus tôt (environ une heure avant) ; le café augmente la biodisponibilité, le tabac la diminue ; la Mélatonine à libération immédiate inhiberait davantage la synthèse endogène de Mélatonine (par la glande pinéale) que la forme à libération prolongée.
Selon la revue Prescrire (novembre 2018, p.835, 836 ; janvier 2023, p.23-24 ; février 2025, p.122s), la Mélatonine n’est pas plus efficace sur l’insomnie qu’un placébo.
En France, la Mélatonine est considérée comme un médicament à partir de 2mg et comme un complément alimentaire en-deça… En Belgique, le statut de médicament commence à 0,3 mg. Aux USA, la Mélatonine a un statut de complément alimentaire quelle que soit la dose…
Chez la femme enceinte :
– Les moyens non médicamenteux sont à privilégier.
– Les données sont rassurantes concernant le LAROXYL (Amitryptiline). En fin de grossesse, risque de détresse respiratoire, d’hyperexcitabilité, de troubles du tonus, de ralentissement du transit et/ou de sédation chez le nouveau-né.
– le DONORMYL (Doxylamine) était recommandé jusqu’à une date récente mais la sureté de ce médicament pendant la grossesse commence à être remise en question. Près de la naissance, il expose le nouveau-né à des effets sédatifs et anti-cholinergiques (perturbation de la succion, retard à l’évacuation du méconium, distension abdominale voire iléus, tremblements, agitation, syndrome de sevrage).
– Les BZD sont déconseillées pendant le premier trimestre de la grossesse (sur-risque de fente labio-palatine (bec de lièvre)). Lors de la prise de BZD près du terme, surtout à fortes doses, des hypotonies, des troubles de la succion, une somnolence, des troubles de la déglutition, des syndromes de sevrage ont été observés chez les nouveaux-nés. À long terme, les BZD prises par la mère sur une longue durée pendant la grossesse exposent les enfants à des troubles du comportement. En pratique, si une BZD est vraiment nécessaire, la femme enceinte, selon les données actuelles, peut prendre le plus ponctuellement possible du SERESTA (Oxazépam) au deuxième trimestre et au début du troisième trimestre.
– La Mélatonine pourrait donner des effets tératogènes.
– Les plantes sont mal étudiées. Elles doivent être évitées au premier trimestre. Au-delà, on peut utiliser la VALÉRIANE mais en extraits aqueux ou hydro-alcooliques et de titre faible.
Plantes :
Pour les troubles du sommeil, les extraits aqueux ou alcooliques de titre faible (<30%) de Valériane (Valeriana officinalis) ont une balance bénéfices-risques favorable et une certaine efficacité cliniquement démontrée. Chez certains personnes elle peut être anticholinergiques (et occasionner notamment des difficultés pour uriner). Elle peut entrainer des dépendances.
Pour l’anxiété, l’Huile essentielle de Lavande Vraie peut permettre d’éviter l’utilisation d’une Benzodiazépine. La forme en capsule dosée à 80 mg a l’avantage de contenir une quantité fixe d’Huile Essentielle, ce qui est plus pratique par rapport à la forme liquide. Le statut de médicament de l’Huile Essentielle de Lavande Shwabe apporte des garanties en matière de qualité pharmaceutique. La posologie recommandée est de 1 gélule par jour ; ne pas excéder deux semaines de traitement. Son efficacité dans les troubles du sommeil n’est pas prouvée (contrairement à son efficacité dans l’anxiété).
D’autres plantes (tilleul, mélisse, oranger, verveine odorante, passiflore, Escholtzia Californica) sont utilisées traditionnellement ; elles semblent sans effets indésirables.
L’Ashwaganda est particulièrement intéressante dans les troubles du sommeil liés à un état de stress (elle est contre-indiquée en cas de grossesse, allaitement, hyperthyroïdie, surcharge en fer). Prendre 800 mg en fin d’après midi.
Sont à éviter le cimifuga (atteintes hépatiques parfois nécessitant une greffe de foie), balotte (toxicité hépatique), Anémone pulsatile (effets neurologiques et rénaux chez l’animal), la Valériane sous forme d’extrait alcoolique à titre élevé et de poudre (suspectés de contenir des dérivés toxiques).
Sources :
– Premiers choix Prescrire, Mauvais sommeil chez un adulte, décembre 2018.
–Prescrire, janvier 2022, in syndrome de sevrage alcoolique, dossier thématique sur les Dépendances et les Addictions
– Femmes enceintes gênées par un mauvais sommeil, Prescrire, mai 2018, n°415, p 354 s
– Huile essentielle de lavande vraie et troubles anxieux, Prescrire, juillet 2022, p 485 s
– Résumés des Caractéristiques Pharmacologiques des médicaments (in : http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/index.php)
(1) Everitt H, Baldwin DS, Stuart B, Lipinska G, Mayers A, Malizia AL, Manson CC, Wilson S. Antidepressants for insomnia in adults. Cochrane Database Syst Rev. 2018 May 14;5(5):CD010753. doi: 10.1002/14651858.CD010753.pub2. PMID: 29761479; PMCID: PMC6494576.
