LAMICTAL (Lamotrigine)

La LAMOTRIGINE est un médicament antiépileptique qui peut être très efficace pour prévenir les rechutes dépressives du trouble bipolaire. Elle est utilisée en psychiatrie depuis 1999. (La lamotrigine diminue l’excitabilité neuronale (inhibition des canaux sodium voltage-dépendants, ce qui diminue directement la dépolarisation des neurones et diminue la libération de glutamate et d’aspartate, eux-mêmes à l’origine d’une dépolarisation post-synaptique et d’une excitabilité neuronale.)

Son maniement nécessite de bien connaître les éléments ci-dessous et de réaliser préalablement un ECG (électro-cardiogramme) et un bilan sanguin :

-> Sur le plan psychique :

1. La LAMOTRIGINE peut être stimulante, voire provoquer des états hypomaniaques (voir p.ex ici)

Lorsque le(la) patient(e) a déjà eu des épisodes hypomaniaques et/ou a un tempérament hyper-actif (« Hyperthymique »), il est préférable de l’utiliser en association au Lithium. Si on veut l’utiliser, dans ces cas, en monothérapie, il faut essayer des doses très faibles (25 ou 50 mg) et ne pas hésiter à augmenter très progressivement en utilisant le dosage à 5 mg.

2. La LAMOTRIGINE peut, rarement, favoriser, voire susciter, des troubles obsessionnels compulsifs.

La prudence s’impose chez les patient(e)s ayant des TOC. Chez ceux en développant sous LAMOTRIGINE, il faut penser à remettre en cause le traitement.

 

-> Sur le plan somatique :

1. Risques cutanés :

• La LAMOTRIGINE risque d’entraîner, de façon exceptionnelle (<1/1000), une atteinte cutanée grave : le « syndrome de Lyell » (ou sa forme atténuée le « syndrome de Stevens-Johnson »), équivalent de brûlures superficielles au second degré, avec lésions des muqueuses et risque de lésions oculaires, nécessitant une hospitalisation urgente en soins intensifs spécialisés. Le risque est exceptionnel : 120 cas par an en France 1, toutes origines médicamenteuses confondues, mais parmi lesquels 25 décèdent.

Ce risque est prévenu si l’on arrête le traitement dès l’apparition de :

  • « vésicules » (petites cloques) sur le tronc et le visage, avec desquamation 
  •  irritation de certaines muqueuses (bouche, anus, vagin, yeux) ou sur les organes génitaux (les lésions muqueuses précèdent les lésions cutanées de 1 à 3 jours dans 1/3 des cas)

Si les lésions cutanées sont associées à de la fièvre, il faut se rendre aux urgences de l’hôpital. Prendre les lésions cutanées en photo afin d’identifier après-coup s’il s’agissait d’un syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson.

Le risque est plus important dans les 8 premières semaines de traitement.

Ce problème cutané a peu de chances de survenir si l’on respecte les mesures suivantes :

Suivre attentivement le protocole d’augmentation très progressive des posologies : 25 mg pendant 15 jours, 50 mg pendant 15 jours, puis 100 mg. (Attention : Une fois la dose efficace établie, si le traitement est arrêté plus de 5 jours, il faut reprendre le protocole à zéro).
Ne pas commencer le traitement dans les deux semaines qui suivent une infection, une éruption cutanée ou une vaccination
Ne pas introduire de nouveaux traitements, aliments ou substances (crèmes, shampoings,…)
Éviter d’ associer d’autres médicaments, souvent très prescrits, susceptibles de provoquer le même effet secondaire, comme:

  • Certains antidépresseurs : Duloxétine (Cymbalta) ; Agomélatine (Valdoxan) ; Tianeptine (Stablon) ; Bupropion (Zyban)
  • D’autres anti-épileptiques : Carbamazépine (Tégrétol), Phénytoïne (Dilantin, Di-Hydan, Diphantoïne, Epanutin), Phénobarbital (Gardénal)
  • L’Etifoxine (Stresam)
  • L’Heptamyl
  • Deux médicaments de la goutte : Allopurinol (Zyloric) ; Fébuxostat (Adénuric)
  • Des antibiotiques sulfamides (Sulfaméthozazole-triméthoprim (Bactrim), Sulfadiazine (Adiazine, Flammazine), Sulfasalazine (Salazopyrine), Sulfafurazole (Pédiazol), (Fansidar)
  • Des Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (surtout Piroxicam (Felden), Phénylbutazone (Butazolidine), Ténoxicam (Tilcotil), Méloxicam (Mobic))
  • Les Inhibiteurs de la Pompe à Protons (Oméprazole,…)
  • L’Ambroxol (Muxol ou Surbronc)
  • La Bromhexine (Bisolvon)
  • Le Nifuroxazide (Ercéfuryl)
  • La Trimébutine (Débridat, Modulon, Proctolog)
  • Le Phloroglucinol (Spasfon, Météoxane)
  • Des antidiabétiques (Gliptines)
  • Des anticoagulant (Fluindione (Préviscan), Rivaroxaban (Xarelto)
  • Un TT de l’ostéoprose : r. de strontium (Protélos)
  • Un antiviral : Névirapine (Viramune)
  • Le traitement de la narcolepsie (Modafinil (Modiodal))
  • Récemment des cas de syndrome de Stevens-Johnson ont été décrits avec un traitement courant contre les mycoses des ongles des pieds, la Térbinafine (Lamisil) (Prescrire, février 2022, p.109)

Les personnes asiatiques (HLA B15.02) sont plus sujettes au syndrome de Lyell : réaliser préalablement une consultation en allergologie.

• La LAMOTRIGINE favorise les coups de soleil : se protéger du soleil ; ne pas associer à d’autres photosensibilisants (antibiotiques, cardio-vasculaire, PROZAC, EFFEXOR, CYMBALTA, LARGACTIL, TERCIAN, NOZINAN, etc, etc…).

• La LAMOTRIGINE peut donner des éruptions sans gravité.

Dans de rares cas, l’éruption cutanée peut s’accompagner de fièvre, symptômes neurologiques,augmentation du volume du foie et de la rate, apparition de ganglions et d’anomalies sanguines (baisse des globules rouges et blancs, élévation du taux sérique de ferritine, hypertriglycéridémie, anomalies de la fonction hépatique et de la coagulation). Ces symptômes surviennent généralement dans les 4 semaines suivant le début du traitement. Il peut s’agir d’une pathologie très mais grave, la lymphohistiocytose hémophagocytaire (LHH), qui nécessite un arrêt immédiat du traitement et un avis médical pour confirmer ou infirmer ce diagnostic.

2. Interactions avec la contraception

La contraception orale et d’autres médicaments diminuent le taux sanguin de Lamotrigine. A leur arrêt, le taux sanguin de Lamotrigine augmente et peut provoquer un accident cutané. Ne pas arrêter ces médicaments sans avis médical (de toute façon, informer le médecin de tous les médicaments que vous prenez). Quand une contraception hormonale orale comporte une semaine par cycle sans prise d’hormones (arrêt de la prise ou prise de comprimés placebo), la concentration plasmatique de LAMOTRIGINE augmente pendant une semaine, exposant à des effets indésirables. (Prescrire, septembre 2018, p. 666)

• La LAMOTRIGINE DIMINUE PEUT-ÊTRE L’EFFICACITÉ DE LA CONTRACEPTION HORMONALE. IL EST CONSEILLÉ D’UTILISER PLUTÔT UN DIU AU CUIVRE. (Prescrire, juin 2018, p.446)

3. Grossesse

La LAMOTRIGINE peut être compatible avec la grossesse selon le CRAT.

Les données actuelles ne montrent pas de troubles neuro-développementaux chez les enfants mais les données sont trop limitées pour permettre une conclusion définitive (voir le rapport de l’ansm d’avril 2019)).

Il est préférable de la prendre à la dose la plus réduite possible mais en se méfiant d’une possible diminution du taux sanguin de la LAMOTRIGINE pendant la grossesse.

La LAMOTRIGINE diminue légèrement le taux d’acide folique (Vitamine B9). Une supplémentation avant la grossesse et pendant la grossesse est nécessaire.

La LAMOTRIGINE passe dans le lait maternel, entraînant parfois des taux sanguins chez le nourrisson de 50% de ceux de la mère. l’allaitement doit être reconsidéré en fonction de cette donnée.

4. Risque cardiaque

La LAMOTRIGINE peut ralentir la conduction de l’influx nerveux dans les ventricules cardiaques (élargissement du complexe QRS à l’électrocardiogramme (ECG)), ce qui expose à des troubles du rythme cardiaque.

Il est préférable de réaliser un ECG avant la mise en place du traitement pour éliminer des troubles préalables (notamment le syndrome de Brugada) et en cours de traitement si apparaissent des palpitations, un essoufflement, des sensations vertigineuses ou une syncope.

5. Risque articulaires

La LAMOTRIGINE peut donner des douleurs articulaires, qui peuvent être mises à tort sur le compte d’une « tendinite » classique et peuvent donner lieu à de nombreuses explorations coûteuses et inutiles. En cas de survenue de douleurs articulaires sous LAMOTRIGINE, il faut diminuer la posologie, voire arrêter le traitement. Il n’est pas rare que les douleurs disparaissent totalement en quelques jours en ramenant la dose en-dessous d’un certain seuil (par exemple 150 mg). Si le traitement est maintenu longtemps avec ces douleurs articulaires, elles peuvent mettre beaucoup plus longtemps à régresser.

6. Dans de très rares cas, la LAMOTRIGINE peut entraîner des anomalies hématologiques et hépatiques.

Il est préférable de faire une prise de sang dans les premiers temps du traitement.

 

7. Risque de diminution du taux sanguin de sodium

Surtout en interaction avec des médicaments comportant le même risque (IRS notamment).

Le bilan sanguin préalable, en plus des marqueurs sanguins et hépatiques, doit comporter un ionogramme.

 

8. Risque d’altération de la vision des couleurs

Comme d’autres anti-épileptiques, la LAMOTRIGINE peut perturber la vision des couleurs et dans des cas très rares provoquer des cataractes.

 

Protocole de prescription :

Il est fondamental d’augmenter progressivement les doses.

Semaines 1 et 2 : 25 mg par jour ; Semaines 3 et 4 : 50 mg par jour ; j’introduits un palier d’une semaine à 75 mg avant de passer à 100 mg.

En cas d’association au Valproate (qui augmente la demi-vie de la Lamotrigine d’environ deux fois) : Semaines 1 et 2 : 12,5 mg par jour (ou 25 mg un jour sur deux) ; Semaines 3 et 4 : 25 mg par jour ; Puis, si nécessaire, augmenter de 25 mg toutes semaines. Le dosage sanguin de Lamotrigine est très utile dans cette situation.

Posologie :

La posologie efficace se situe habituellement entre 100 et 200 mg mais certains patients peuvent nécessiter des doses plus importantes. Le dosage sanguin de Lamotrigine permet de guider cette augmentation au-delà de 200mg.

Inversement, certains patients sont stabilisés avec des doses bien plus faibles, autour de 50 mg.

D’autres patients sont améliorés incomplètement avec une dose, par exemple, de 100mg mais une augmentation au-delà de ce seuil est mal supportée (anxiété, sentiment d’agitation intérieure, voire réactivation dépressive). Il faut, alors, rester en-dessous de ce seuil.

 

 

 

1 Roujeau JC. Syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson. Encyclopédie Orphanet. Juin 2007 ; Autre source principale : revue Prescrire (dont le dernier article en octobre 2021 sur le risque cardiaque)