Jeûne

* Le jeûne comporte des risques lorsqu’il dépasse 24h00.

• Après seulement quelques heures de jeûne, le corps commence à utiliser ses réserve de glucose (glycogène) et synthétise du glucose à partir des graisses et des acides aminés. Le taux de sucre dans le sang diminue, ce qui déclenche (via le Glucagon), la libération de glucose à partir de la glycogénolyse du glycogène hépatique et la synthèse de glucose, par le foie, à partir d’acides aminés gluformateurs et de glycérol (issu des triglycérides). Par ailleurs, une partie des acides gras (circulant et stockés dans le tissus adipeux) est oxydée pour fournir de l’énergie (en rentrant dans le cycle de Krebs sous forme d’AcéthylCoA).

Après 24h00 de jeûne, le glycogène hépatique est épuisé (le glycogène des muscles n’est utilisé que par les muscles), la synthèse de glucose s’amplifie (augmentation de la fourniture au foie de lactate (issu des muscles), de glycérol (à partir des triglycérides) et d’acides aminés. Le rein réalise également la néoglucogenèse, à partir d’acides aminés issus des muscles. Les protéines de l’organisme sont de plus en plus utilisées.

=> En jeûne total, le déficit protéiné est d’environ 250g/j. Les premières protéines perdues ne sont pas soustraites au compartiment musculaire mais aux compartiments à renouvellement rapide (foie, tube digestif et organes lymphoïdes (cellules immunitaires dans les ganglions, le thymus, la rate,…) qui peuvent perdre en 5 jours jusqu’à 50% de leurs protéines, avec pour conséquence : diminution des fonctions hépatiques, notamment synthèse protéique (facteurs de coagulation, albumine, cicatrisation,…) ; diminution de l’immunité ; atteinte de l’épithélium digestif. De plus, les cellules du tube digestif se nourrissent essentiellement de ce qu’elles trouve directement dans la lumière intestinale et non de ce que lui apportent les vaisseaux sanguins (le grêle se nourrit de glutamine, trouvée à 50% sur place et le colon de butyrate trouvé à 80% sur place). Ce manque majeur de nutriments pour les cellules du tube digestif, associé à l’utilisation de leurs protéines, provoque des lésions et une perméabilité intestinale, dont les conséquences sont la malabsorption des nutriments et le passage de toxines dans la circulation générale. Dans cette première phase d’utilisation des protéines, le sujet peut ne pas perdre de poids et garder un aspect « floride » car ses muscles ne sont pas encore utilisés.

Après environ 5 à 10 jours, les protéines musculaires sont mises à contribution. Le cœur (qui est un muscle) peut également être fragilisé. La perte de masse protéique musculaire est définitive et est remplacée par des graisses et du collagène. Outre le dommage musculaire, il s’ensuit une diminution du métabolisme basal : les graisses ne consomment pas d’énergie à la différence des muscles. La personne a encore plus tendance à prendre du poids, puisque son métabolisme de base « brûle » moins de calories.

• Le jeûne au-delà de 24h00 altère profondément la flore bactérienne du tube digestif, le microbiote, parfois avec des conséquences irréversibles. Flippe de Vadder, chercheur en Suède, compare l’effet du jeûne sur le microbiote à un incendie de forêt, des espèces disparaissent, d’autres repoussent lentement, d’autres se surdéveloppent.

• Parallèlement, après 2 ou 3 jours de jeûne, le flux des acides gras ne peut plus être orienté totalement vers le cycle de Krebs, une partie est transformée en corps cétoniques qui peuvent servir de combustible au myocarde, foie, rein et au cerveau (mais pas à la rétine, aux globules rouges et aux gonades qui sont strictement gluco-dépendant). L’acide acéthylacétique sert de combustible ; en excès, il est transformé en acide hydroxybutyrique, qui est euphorisant et diminue la sensation de faim, puis en acétone, qui donne mauvaise haleine.L’impression de bien-être liée au jeûne n’est pas le signe d’une amélioration de l’état général mais de l’effet des corps cétoniques.

• Les réserves en certaines vitamines hydrosolubles (C et groupe B et) sont faibles (contrairement aux vitamines liées aux graisses A, D, E, K). Des sub-carences peuvent survenir, chez certaines personnes (fumeurs, alimentation préalable non optimale) à partir d’une huitaine de jours.

Les « toxines » ne s’éliminent pas par le jeûne mais par le travail normal du foie. Le jeûne demande au foie un travail supplémentaire de néoglucogenèse et ne lui donne pas les nutriments nécessaire à la détoxification.

• Après un jeûne d’au moins une journée, le risque d’atteinte hépatique grave lié au Paracétamol (Doliprane,…) est augmenté et  y compris en respectant les doses usuelles (Prescrire, mars 2022, p.189-190)

 

* En revanche, le jeûne intermittent (manger 8h00 sur 24 et jeûner les 16h00 autres heures, par exemple ne pas manger entre 20h00 et 13h00) apporte de nombreux bienfaits

Notre physiologie est adaptée à ce type de période de jeûnes (nos ancêtres très lointains ne pouvaient se procurer de la nourriture en continu). Les recherches récentes ont montré les bienfaits nombreux du jeûne intermittent : régulation du poids, perception adéquate de ses besoins en alimentation, diminution de l’inflammation et de l’oxydation cellulaire, augmentation de la sensibilité à l’insuline (prévention du diabète), protection des neurones, protection cardio-vasculaire (voir par exemple cet article).

Étant donné les risques de surpoids, de diabète, d’augmentation du cholestérol et des triglycérides, de troubles cardio-vasculaires liés aux neuroleptiques (et au antidépresseurs dans une moindre mesure), les patients prenant ces traitements auraient intérêt à s’astreindre au jeûne intermittent habituellement.

 

• Le jeûne partiel 2 jours (réduction énergétique de 65%) espacés dans la semaine associé au régime méditerranéen les 5 autres jours peut être intéressant pour perdre du poids (Harvie, Howell, 2013) ; les résultats sont très incertains quant à cette approche utilisée en prévention de certains cancers (id, 2016).

• Le jeûne par périodes de 3 jours, ou le jeûne intermittent pourraient être bénéfiques pour rendre la chimiothérapie mieux supportée, voire plus efficace (Valter Longo), mais il faut tenir compte de l’amplification des risques de fonte musculaire et de dénutrition liés au cancer lui-même et à la chimiothérapie.

 

 

 

Sources :

Brandhorst S, Longo V, Fasting and Caloric Restriction in Cancer Prevention and Treatment, Recent Results Cancer Res. 2016;207:241-66

Bourre JM, La Chrono-diététique, Odile Jacob, 2012

Harvie M, Howell T, Could Intermittent Energy Restriction and Intermittent Fasting Reduce Rates of Cancer in Obese, Overweight, and Normal-Weight Subjects? A Summary of Evidence, Adv Nutr. 2016 Jul 15;7(4):690-705

Harvie M, Howell T, 2 jours de détox, 5 jours de plaisir, Michel Lafon, 2013

Médart J, Manuel pratique de nutrition, De Bœck, 2005, p. 38-41, 90-92, 201-202, 216-220

Sherwood L, Physiologie humaine, De Bœck, 2000