Démarche diagnostique des dépressions

Autrefois, on distinguait « Dépression réactionnelle » (dépression d’intensité modérée et secondaire à un événement difficile) et « Dépression maladie ».

Les dernières recherches ont rendue caduque cette distinction et ont développé une conception unifiée de la dépression. Toute dépression est le issue de la rencontre d’événements déclencheurs et d’un terrain neuro-biologique plus ou moins favorable. Lorsque ce dernier est très favorable, des événements minimes, voire des événements intra-psychiques comme une perception péjorative d’un fait, suffisent à déclencher une dépression. Inversement, lorsque le terrain neuro-biologique n’est pas favorable à la dépression, il faut des événements majeurs et souvent multiples pour produire une dépression.

Dans tous les cas, la dépression est neuro-toxique et favorise la survenue de nouvelles dépressions. Elle doit donc être traitée sans tarder et complètement. Les dépressions légères et modérées répondent en général bien aux mesures hygièno-diététiques. Les dépressions sévères nécessitent un traitement médicamenteux.

 

Devant des signes évocateurs de dépression, il faut suivre la démarche générale diagnostique en psychiatre en 4 dimensions.

Voici, ici, les éléments spécifiques du diagnostic de dépression.

1) Éliminer une pathologie médicale sus-jacente

La première question à se poser est de savoir si la dépression n’est pas la signe avant-coureur d’une maladie générale. En effet, toute altération de l’état général peut donner un tableau dépressif et il n’est pas rare qu’il précède de plusieurs semaines ou mois les symptômes spécifiques de l’éventuelle maladie sous-jacente. Voir : Maladies pouvant se révéler par une dépression.

2) La Dépression est-elle caractérisée ou non ?

• Le diagnostic vise, dans un premier temps, à repérer s’il s’agit d’une Dépression caractérisée ou d’un Syndrome dépressif.
Il faut rechercher les signes de Dépression caractérisée :

Présence des critères du DSM 5, recueillis par l’interrogatoire, notamment durée supérieure à 15 jours

Préciser l’évaluation par une échelle (Échelle HDRS et/ou Echelle MADRS). Si le score à l’échelle HDRS est inférieur à 15, la Dépression n’est pas considérée comme étant une Dépression caractérisée et il est recommandé de ne pas traiter par antidépresseurs. Il en est de même si le score à la MADRS est inférieur à 20.

– S’il ne s’agit pas d’une Dépression caractérisée (« syndrome dépressif ») :

-> Si la dépression dure moins de quinze jours, parfois seulement quelques heures : il faut absolument rechercher une Cyclothymie et faire passer les échelles ad hoc.

-> S’il y a des éléments saisonniers, une appétence augmentée pour le sucré, une augmentation du besoin de dormir, sans caractéristiques bipolaires, on peut parler de Dépression saisonnière. Le traitement repose essentiellement sur la Luminothérapie, les omégas 3, la vitamine D. La dépression saisonnière peut faire partie du spectre bipolaire. Il faut rechercher soigneusement les éléments en faveur de la bipolarité.

 

–  S’il s’agit d’une Dépression caractérisée : se demander s’il s’agit-il d’une dépression liée à la bipolarité

Devant toute dépression caractérisée, surtout si elle est sévère, il faut rechercher l’existence d’un épisode maniaque ou hypomaniaque dans la vie du sujet, par un interrogatoire précis et un questionnaire comme le MDQ (Mood Disorders Questionnary)) ou la Chek-List d’Hypomanie de Angst.

Il faut également rechercher les Éléments en faveur de la Bipolarité.

-> S’il y a un antécédent de manie ou d’hypomanie et a fortiori s’il y a également des éléments autres en faveur de la bipolarité, le patient doit être considéré comme porteur d’une maladie bipolaire et traité comme tel.

-> Si ce n’est pas le cas, il s’agit d’un Épisode Dépressif Majeur dans le cadre d’une Dépression Unipolaire.

Ce type de Dépression a une tendance particulière à la récidive. Il est capital que le traitement antidépresseur soit suffisamment long, en général au moins une année.

Par ailleurs, 25% des Dépressions unipolaires, évoluent vers la Bipolarité, c’est-à-dire que le la patient(e) va présenter un épisode (hypo-)maniaque au cours de son évolution. Il-elle, devra, alors être traité par régulateurs de l’humeur.

On peut, en partie, anticiper ce type d’évolution s’il l’on retrouve un grand nombre d’Éléments en faveur de la bipolarité. Dans ce cas, le traitement devra plutôt être un régulateur de l’humeur.

 

Si la Dépression caractérisée est chronique, sans épisodes maniaques ou hypomaniaques, on parle de Dysthymie.

 

3) Quel est le mécanisme dominant de la dépression ?

Les Dépressions sont liées à de nombreux mécanismes, dont l’ « insuffisance » de certains neuromédiateurs. Les caractéristiques de la Dépression peuvent orienter vers le type de neuromédiateur le plus en cause. Ces données sont fragiles mais sont, malgré tout, à prendre en compte puisque le choix d’un traitement ciblant ce neuromédiateur a plus de chances d’être efficace.

Les dépressions « par manque de sérotonine » (« sérotoninergiques ») se caractérisent par :

  • Agitation anxieuse et impulsivité,
  • Irritabilité,
  • Passages à l’acte
  • Dépendance à des toxiques
  • Troubles alimentaires  ; attirance pour le sucré, augmentation de l’appétit, voire boulimie, ou anorexie
  • Libido parfois augmentée,

Les dépressions « par manque de noradrénaline » (« noradrénergiques ») se caractérisent par :

  • Fatigue
  • Ralentissement
  • Augmentation du besoin de dormir

Les dépressions « par manque de dopamine » (« dopaminergiques ») se caractérisent par :

  • Troubles cognitifs :
    • Difficultés de concentration (impossibilité de lire, …)
    • Troubles du raisonnement
    • Difficultés pour exprimer clairement ses idées
    • Hésitations, difficultés à prendre des décisions
    • Vécu de manque de performances intellectuelles
  • Absence de plaisir (« anhédonie ») :
    • Perte d’intérêts pour le travail, les loisirs
    • Anesthésie émotionnelle
    • Besoin d’être stimulé pour réaliser les activités ordinaires
    • Absence d’envies

En résumé : les dépressions dopaminergiques se caractérisent par de l’apathie plutôt que par de la tristesse. La souffrance morale est essentiellement sous forme d’angoisses intenses sans objets
Diminution de la souffrance au fil de la journée encore plus marquée que dans les autres dépressions

4) La Dépression est-elle « résistante au traitements » ?