Pièges du diagnostic de Trouble Bipolaire

Il existe cinq types de pièges.

1) Pièges liés à la confusion avec d’autres pathologies :

Voir Diagnostic différentiels des Troubles Bipolaires

2) Pièges liés à la focalisation sur une pathologie associée

Le Trouble Bipolaire peut être associé à n’importe quel trouble psychique (plus de 75 % des patients ont au moins une pathologie définie par le DSM 5 en plus du Trouble Bipolaire (Guide Haute Autorité de Santé, 2014)) :

  • Trouble Anxieux Généralisé,
  • Phobies,
  • Trouble Panique,
  • Troubles des Conduites Alimentaires,
  • Addictions,
  • Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité,
  • Burn Out,…

Il n’est pas rare que ces troubles associés, une fois diagnostiqués ‘aveuglent’ le médecin et semblent résumer à eux seuls toute la situation. Pour éviter cela, il faut rechercher systématiquement l’existence d’un épisode maniaque ou hypomaniaque dans l’histoire de tout patient souffrant psychiquement (notamment avec le MDQ ) puisqu’un seul épisode maniaque dans la vie du patient suffit à affirmer le diagnostic de Trouble Bipolaire I et une seule dépression associée à un seul épisode hypomaniaque suffit à affirmer le diagnostic de Trouble Bipolaire II ou le Trouble Bipolaire III (si l’hypomanie est induite par un médicament)(Critères DSM 5 de bipolarité).

3) Pièges liés à la méconnaissance de certaines formes cliniques :

Pièges classiques :

– Début précoce à l’adolescence (avant 12 ans chez 10 à 20 % des patients et vers 15 ans chez 50 % des patients ((Guide HAS 2014)), ce qui oriente plutôt vers une « crise de l’adolescence »

– État maniaque ou hypomaniaque méconnu car essentiellement marqué par les symptômes « sombres » (irritabilité, colère, fuite des idées, tension, agitation motrice plutôt qu’euphorie, activité excessive mais efficace)

États-mixtes (confondus avec des dépressions atypiques ou des troubles caractériels)

Cyclothymie (confondue avec des troubles de la personnalités ou des troubles névrotiques)

4) Pièges liés à certaines personnalités :

Des personnalités particulièrement « disciplinées », qui réussissent à contenir leur hypomanie et font bonne figure en cas de dépression, ou des personnalités timides que l’hypomanie ramène simplement à un fonctionnement normal, peuvent présenter des tableaux atténués qui risquent de « passer sous les radars » des critères habituels.  Il convient d’interroger soigneusement le (la) patient(e) et son entourage pour prendre la mesure des efforts déployés par le (la) patient(e). Voici deux exemples cliniques :

Charles 22 ans , technicien, souffre par périodes de trois semaines à trois mois de dépressions caractérisées (manque d’envie, de plaisir et d’énergie ; hypersomnie ; lenteur ; troubles de mémoire, impression d’avoir l’esprit « embrumé »,…). Ces épisodes se résolvent spontanément.

Plus rarement, environ deux fois par an, il lui arrive d’éprouver pendant un à trois jours un surcroit d’énergie, plus de facilité à aller vers les autres, l’envie de faire des choses extravagantes, un besoin de sommeil réduit, une forme hors du commun et de faire des dépenses d’argent inhabituelles. Charles est un garçon habituellement timide et réservé, lorsqu’il est dans ces phases de « sur-régime », sa timidité fait place à un comportement « déluré » mais socialement acceptable. Il a été habité à travailler très jeune dans l’entreprise de son père, le sérieux, le travail, la bonne gestion de l’argent sont pour lui des valeurs chevillées au corps. Même en sur-régime, il parvient à se contenir. Pour ces raisons, Charles a un score de 4 au MDQ pour un seuil à 7.

Au sens strict, il ne correspond pas au diagnostic de Trouble Bipolaire II, alors que son état associe bien des épisodes dépressifs récurrents et des phases de l’ordre de l’hypomanie.

Charles a reçu des antidépresseurs, au fil des années, malgré son jeune âge (ceux-ci sont contre-indiqués avant 25 ans, en raison de l’aggravation du risque suicidaire) qui ont soit été inefficaces, soit ont provoqué des phases hypomaniaques. Traité par LAMICTAL, sont état s’est totalement stabilisé.

Albert, 41 ans, militaire de carrière, alterne des phases de six à huit mois où « il doit prendre sur lui ». Il n’a aucune énergie, tout lui coûte, il n’éprouve aucun plaisir, même en famille, il se force pour donner le change et il y parvient ; jamais il n’a du abandonner ses fonctions. L’HDRS appliquée à ces périodes donne un score à 14 pour un seuil à 15. Nonobstant, ces périodes correspondent à de réelles dépressions.

Lorsqu’elles cessent, Albert devient « hors du commun ». Il est capable d’organiser plusieurs événements en même temps, de reprendre des études difficiles, de réussir des examens, d’accomplir des exploits sportifs. Alors qu’il est « gros dormeur », il peut passer plusieurs semaines à en dormir que 5h00 par nuit tout en étant en pleine forme. Il parvient malgré tout à se contenir et le MDQ donne un score à 6 pour un seuil à 7.

Sa femme témoigne des efforts incessant d’Albert pour contenir soit la dépression, soit l’hypomanie.

Entre ces phases, Albert est souvent « tristounet » intérieurement, un peu fatigué mais a « mille idées à la minute », perçoit en permanence une tension intérieure : en un mot, il souffre alors d’ « état mixte ».

Les antidépresseurs ont été inefficaces et anxiogènes. Avec du LAMICTAL, auquel il a été nécessaire d’ajouter du LITHIUM dans un deuxième temps, la vie d’Albert a été transformée.

 

4) Piège lié aux dépressions simples pour lesquelles on ne retrouve pas l’existence précédente d’un épisode maniaque ou hypomaniaque.

L’absence d’un tel antécédent dans l’histoire du patient ne permet pas « d’être tranquille » quant à une éventuelle bipolarité. En effet, la majorité des Troubles Bipolaires commencent par une dépression simple et 25 % des patients dépressifs diagnostiqués comme unipolaires développent dans les neuf ans qui suivent une phase hypomaniaque ou maniaque (Guide Haute Autorité de Santé, 2014).

Il convient d’avertir les patients de cette éventualité et de rechercher les éléments qui peuvent faire craindre cette évolution (Éléments en faveur d’un Trouble Bipolaire).