Les brûlures d’estomac

 

Les sensations de brûlures d’estomac peuvent correspondre à des affections graves : Ulcère Gastro-Duodénal (UGD), reflux Gastrique-Œsophagien (RGO) avec gastrite.

Mais la plupart du temps, elle correspondent à des affections bénignes :

  • RGO simple et typique (brûlures rétro-sternales souvent après un repas)
  •  Troubles de la digestion (« dyspepsie »), le plus souvent secondaires à un manque d’acidité gastrique (et non à une hyperacidité) ou à des gaz
  • Lenteur d’évacuation du contenu gastrique (gastro-parésie)

Les UGD ne donnent aucun symptôme dans 70% des cas. Lorsqu’ils donnent des douleurs gastriques, elles surviennent 2 à 5h00 après les repas et sont atténuées par la prise de nourriture. Les UGD peuvent se manifestent aussi parfois par une satiété précoce, des éructations après avoir mangé, une intolérance aux graisses, des nausées et plus rarement des vomissements, voire des douleurs liées à l’ingestion d’aliments. Une anémie est parfois révélatrice d’UGD. S’il y a une suspicion d’UGD, il faut réaliser une endoscopie digestive avec biopsie et recherche de la bactérie Helicobacter Pylori. Le traitement consiste en l’association d’Oméprazole (un Inhibiteur de la Pompe à Protons) et de trois antibiotiques s’il y a présence de cette bactérie ou Oméprazole seule en son absence.

Les RGO peuvent être sévère, avec des symptômes fréquents et invalidant et s’accompagner de gastrite. Il faut également pratiquer une gastroscopie pour explorer précisément la situation.

En l’absence de suspicion d’UGD ou de RGO sévère, et en l’absence de signes de gravité (amaigrissement, anémie, gène pour avaler, vomissements, hémorragie digestive), aucun examen para-clinique n’est nécessaire et les mesures non médicamenteuses ci-dessous sont souvent efficaces.

Prévention :

* Eviter :

  •  les aliments sucrés
  • le café, le thé, le chocolat
  • les agrumes
  • les boissons gazeuses
  • le tabac, l’alcool (dont bière)
  • les aliments épicés
  • les laitages
  • les repas gras et trop abondants qui ralentissent la vidange gastrique
  • les anti-inflammatoires (dont l’Aspirine (préférer le Paracétamol))
  • les médicaments modifiant la motricité gastrique (antalgiques opioïdes, anticholinergiques (certains antidépresseurs, neuroleptiques ,…))

 

* Aborder le repas en étant détendu : percevoir les tensions (plexus, trapèzes,…), se redresser, respirer profondément ; reprendre cette conscience et la détente nécessaire autant de fois que nécessaire

* MASTIQUER correctement : poser sa fourchette entre chaque bouchée (repère : mastiquer au moins 20 fois chaque bouchée)

* Faire des petits repas, quatre fois par jour, À HEURE RÉGULIÈRE.

* Eviter les efforts physiques et la position allongée peu après un repas ; éviter de se pencher en avant ; Porter des vêtements peu serrés à l’abdomen

* Surélever la tête du lit de 10 cm

* Développer la gestion du stress

* Rééquilibrer la flore intestinale (éviter les sucres rapides ; probiotiques)

* Revoir la prescription de certains médicaments pouvant provoquer un Reflux Gastro-Œsophagien (théophylline, inhibiteurs calciques, dérivés nitrés, certains médicaments du diabète (analogues du GLP1), un médicament de l’ostéoporose (Tériparatide), substance anti-cholinergiques (neuroleptiques, antidépresseurs, …).

 

Lorsque des brûlures apparaissent :

  • Vinaigre de cidre : une cuillère à soupe dans un verre d’eau en cas de douleur, en fin de repas, ou au milieu du repas. Les sensations de brûlures peuvent être liées à un manque d’acidité gastrique. Pour savoir si ce moyen est efficace, il suffit de le tester. S’il est efficace, la douleur disparaît ; s’il est inefficace, il produit tout au plus une légère augmentation de celle-ci. Si ce moyen est efficace, on peut, ensuite, l’utiliser autant que nécessaire. Il est très utile également en cas de lourdeur d’estomac après le repas.
  • ou Bicarbonate de sodium : 1 c. à café dans un peu d’eau en cas de douleur
  • Enzymes digestives pendant le repas (en gélules) ou mâcher des graines de fenouil
  • Infusion de camomille après les repas, ou verveine, anis étoilé,…
  • Pomme crue, éventuellement avec de la cannelle : en manger un quartier en cas de douleurs

 

Les médicaments doivent être réservés aux situations où les mesures ci-dessus sont inefficaces (et bien sûr s’il y a des lésions authentifiées)

 

Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP)

Leur nom se termine par « prazole »: Oméprazole, Lansoprazole,…

Les Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP) ont comme effet de bloquer la sécrétion d’acide chlorhydrique par l’estomac.

Ce sont les médicaments les plus efficaces dans les Ulcères Gastro-Duodénaux, les Reflux-Gastro-Œsophagiens et pour prévenir les ulcères liés à la prise d’Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens. Ils agissent en 5 jours et doivent être pris avant le premier repas de la journée.

Ils sont largement banalisés, et même disponibles sans ordonnance pour certains (Oméprazole), bien que pouvant provoquer de nombreux effets secondaires. Ils exposent à :

  • Troubles digestifs (diarrhées, notamment par lésions microscopiques de la muqueuse intestinale)
  • Infections digestives (la diminution de l’acidité gastrique, quelle qu’en soit l’origine, y compris l’utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons, favorise le développement de bactéries intra-gastriques normalement présentes dans le tractus gastro-intestinal. Un traitement entraînant la diminution de l’acidité peut conduire à un risque légèrement augmenté d’infections gastro-intestinales, telles que les infections par Salmonella et par Campylobacter et Listéria)
  • Infections pulmonaires (risque x2) ; En septembre 2020, une équipe sud-coréenne a montré que le risque de covid-19 grave (défini selon un critère combinant oxygénothérapie, admission en service de soins intensifs, ventilation invasive, mort) est 1,5 fois plus important chez les patients sous IPP (in Prescrire Octobre 2020).
  • Fractures osseuses
  • Malabsorption du calcium (provoquant des fractures)
  • Anémies par diminution de l’absorption du fer et de la vitamine B12
  • Hyponatrémies (diminution du sodium dans le sang), hypomagnésémies (diminution du magnésium)
  • Augmentation du risque d’infarctus de 16 à 21%
  • Il existe un lien statistique entre consommation d’IPP et fréquence accrue d’AVC
  • Dépendance
  • Insomnie ; Agitation, confusion ; Dépression
  • Augmentation de la mortalité (une étude sur 350 000 patients suivis pendant 6 ans a montré une augmentation de la mortalité, corrélée à la durée d’exposition, chez les patients prenant un IPP par rapport à ceux prenant un anti-acide anti-histaminique H2) (Prescire avril 2021)
  • Dépendance : L’arrêt brutal peut provoquer un rebond d’acidité gastrique parfois pendant plusieurs semaine. Ceci favorise la prise à nouveau de l’IPP et donc la dépendance. Pour les arrêter, il faut procéder par étapes :
    • Diminuer la dose quotidienne, par exemple de moitié
    • Espacer les prises (une prise tous les deux jours)
    • Prise à la demande en cas de symptômes gênants
    • Enfin, arrêt complet
    • À chaque palier, le recours à un anti-acide (voir infra) est à envisager pour passer la période de risque de rebond de l’acidité.
  • Interactions : les IPP exposent (sauf Pantoprazole) à de nombreuses interactions médicamenteuses (Plavix (Clopidogrel),…) :
    • Il existerait un risque d’interaction mortelle en cas d’association Oméprazole – Citalopram (Séropram) (Prescire avril 2021)
    • L’association IPP et Clopidogrel (un anti-agrégeant plaquettaire) augmente le risque cardio-vasculaire et la mortalité. Le Clopidogrel doit être transformé en un métabolite actif. Les IPP diminuent l’efficacité de certains enzymes nécessaires à cette transformation. (Prescrire, octobre 2021).

CONCLUSION : Il est recommandé de ne prendre des IPP que dans des cas bien précis (Ulcère Gastro-Duodénal, RGO sévère, prévention des ulcérations gastriques liées à la prie d’Anti-Inflammatoires-Non-Stéroïdiens) et pour des durées réduites (de 4 à 8 semaines (8 semaines an cas d’UGD), en suivant les recommandations de la HAS (https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009-04/argumentaire_ipp_2009-04-27_14-15-18_458.pdf)

Sources: Revue Prescrire oct 2016, p.752, déc 2017, p.910, oct 2018 p. 750, avril 2021, oct 2021, juin 2022 p.452 ;  RCP ; Sehested TS, Fosbøl EL, Hansen PW et coll. Proton Pump Inhibitor Use Increases the Associated Risk of First-Time Ischemic Stroke. A Nationwide Cohort Study. American Heart Association (AHA) 2016 Scientific Sessions, 15 novembre 2016 (Abstract 18462), et Circulation 2016;134:A18462 ; Shah NH, LePendu P, Bauer-Mehren A, Ghebremariam YT et al. Proton Pump Inhibitor Usage and the Risk of Myocardial Infarction in the General Population. PLoS ONE, 2015, 10(6): e0124653. DOI:10.1371/journal.pone.0124653 June 10, 2015  

 

Anti-Histaminiques H2

Ils sont moins efficaces que les IPP dans le traitement de l’UGD.

Les effets secondaires sont surtout

  • céphalées
  • sensations vertigineuses
  • fatigue
  • diarrhée
  • éruptions cutanées
  • bradycardie (ralentissement du cœur).

La Cimétidine (Tagamet) donne beaucoup d’interactions médicamenteuses. De plus, elle a un effet anti-androgénique, susceptible, chez la femme enceinte, d’entraîner une féminisation du fœtus masculin. La Cimétidine doit être abandonnée au profit de la Ranitidine (Azantac), de la Famotidine ou de la Nizatidine (Nizaxide).

 

Anti-Acides

Par exemple : Maalox (Hydroxyd’aluminium, hydroxy de magnésium), Gavison (Bicarbonate de sodium, carbonate de calcium, Alginate de sodium).

Ils peuvent constituer un traitement d’appoint, mais en général peu efficace.

Les effets secondaires varient avec leur composition et augmentent avec la dose :

  • diarrhée avec les sels de magnésium,
  • constipation avec les sels d’aluminium
  • apport excessif de calcium ou de sodium
  • absorption d’une partie des sels d’aluminum, de magnésium et de sodium, avec différents risques, notamment chez les insuffisants rénaux
  • diminution de l’absorption de nombreux médicaments (il faut les prendre 2-3h00 avant la prise de médicaments).

 

Il apparaît clairement que face aux brûlures d’estomac, il convient de réaliser une gastro-duodéno-scopie avec biopsies et recherche d’Helicobacter Pylori s’il y a des doutes sur des lésions gastriques. S’il n’y a pas d’arguments en ce sens, il faut se limiter aux mesures non médicamenteuses, étant donné la balance bénéfice-risque défavorable des médicaments en dehors des pathologies caractérisées.

Source : Prescrire, Ulcère Gastrique ou Duodénal, Premiers choix Prescrire, Avril 2017