Caractéristiques du Lithium

Le Lithium est le traitement de référence des Troubles Bipolaires, tant dans la prévention des rechutes maniaques que des rechutes dépressives.

Les seules contre-indications sont les suivantes :

  • Premier trimestre de la grossesse
  • Allaitement
  • Syndrome de Brugada ou antécédent familial de syndrome de Brugada (morts subites, syncopes)
  • Insuffisance rénale en cas d’impossibilité d’exercer une surveillance très stricte et très régulière de la lithiémie et de la créatinine plasmatique
  • Maladie d’Addison (à cause de la perte de sodium)
  • Insuffisance cardiaque
  • Hypersensibilité à la substance active ou à l’un des excipients. Les comprimés à 250 mg contiennent de l’amidon de blé et des traces de gluten à hauteur de 6,79 microgrammes par comprimé. Ils doivent être évités en cas d’allergie au blé et dans les Maladies cœliaques sévères
  • Myasthénie (risque d’aggravation)

 

Le Lithium n’est disponible en France que sous forme de comprimés de TÉRALITHE, soit à 250mg, à libération immédiate, soit sous forme de comprimés de TÉRALITHE à Libération Prolongée à 400mg. Les comprimés à 250mg doivent être pris matin, (midi) et soir. les comprimés LP 400 sont étudiés pour être pris une fois par jour. Dans tous les cas, ils doivent être pris à heure fixe.
Les comprimés LP 400 permettent d’éviter les oublis de prise. Les comprimés à 250mg permettent parfois un réglage plus fin du taux sanguin. Ils causeraient moins de problèmes rénaux et moins de tremblements. Ils sont préférables en cas d’insuffisance rénale (car les comprimés à 400mg comportent un léger risque d’accumulation). Ils constituent le traitement de référence puisque toutes les études ont été réalisées en utilisant des comprimés à 250mg.

Pour bien conduire un traitement par le Lithium, il faut bien connaître ses caractéristiques, répertoriées en détails dans la tableau ci-joint, qui présente les caractéristiques dans la colonne de gauche et les conséquences à en tirer dans la colonne de droite.

En quelques mots, voici les points centraux à bien comprendre :

Risque de surdosage

  • Le Lithium est un médicament « à marge étroite » : le taux sanguin thérapeutique est très proche du taux sanguin toxique. Le traitement commence par une petite dose, on contrôle le taux sanguin après 6 à 8jours, 12h00 après la prise du dernier comprimé, puis on augmente, avec un nouveau contrôle 6-8 jour pus tard, jusqu’à obtenir le taux souhaité. Le taux sanguin de Lithium s’appelle la Lithiémie ( de Lithium et de Heme qui signifie ‘sang’ an grec).
  • Le taux sanguin souhaité est entre 0,5 et 0,8mmol/L, si l’on utilise la forme TÉRALITHE 250 mg ou 0,7 et 1mmol/l si l’on utilise la forme TÉRALITHE LP 400 mg. Pour contrôler une phase maniaque, ou dès l’apparition des premiers signes maniaques, il faut obtenir un taux sanguin le plus proche possible de 0,8mmol/l pour les comprimés à 250mg et de 1 mmol/l pour les comprimés à 400mg. En « régime de croisière », il faut trouver le taux sanguin adéquat pour chaque patient. De nombreux patients peuvent être équilibrés avec un taux proche de 0,5mmol/l pour les comprimés à 250mg ou 0,7 mmol/L pour les comprimés à LP 400mg. Ceci est particulièrement vrai chez les patients de plus de 65 ans. Plus le taux sanguin est bas et plus les risques d’effets secondaires, notamment rénaux, sont faibles. Certains patients sont équilibrés avec des doses inférieures aux normes ci-dessus. Il ne faut surtout pas en conclure que « l’effet est psychologique » ou « qu’ils iraient aussi bien sans Lithium » et arrêter le traitement. En effet, il faut se souvenir de l’effet apaisant et neuro-protecteur du Lithium même à des doses minimes.
  • Lorsqu’il y a des effets secondaires malgré un taux sanguin normal ou une efficacité décevante malgré un taux sanguin correct, il est intéressant de doser le lithium dans les globules rouges (« dosage de Lithium intra-érytrocytaire »), qui donne un meilleur reflet du taux de Lithum dans le cerveau. Par exemple, une patiente a présenté des nausées et des maux de tête depuis le passage de 1,5 cp de LP 400 à 2 cp, alors qu’elle avait une lithiémie à 0,7mmol/l avec 2 cp. Le dosage intra-éryrocytaire a révélé un taux élevé dans les globules rouges, au-delà de la norme. Il s’agissait d’un ‘surdosage à lithiémie normale’. Les symptômes ont disparu en revenant à 1,5 cp. Avec cette posologie la lithiémie était à 0,40mmol/l mais le taux intra-érytrocyaire était dans la fourchette thérapeutique.
  • Les principales causes de surdosage sont :
    • Mauvaise élimination du Lithium par Insuffisance rénale « organique » (altération des reins eux-mêmes)
    • Mauvaise élimination du Lithium par Insuffisance rénale « fonctionnelle » (entraves au bon fonctionnement des reins), dont la première cause est la déshydratation. Il est donc capital de penser à bien boire (1l à 1,5l en hiver et jusqu’à 3l en été), en s’aidant d’une bouteille d’eau pour s’auto-inciter à boire. D’autres causes d’insuffisance rénale fonctionnelle sont :
      •  l’âge (l’élimination rénale du Lithium diminue de 60% après 60 ans)
      • l’alcool (par son effet diurétique)
      • certains médicaments comme les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens dont l’Aspirine, les médicaments de l’Hyper Tension Artérielle,…). Si l’on doit prendre ces médicaments, il faut doser le lithium après quelques jours de traitement. Il est également important de doser le Lithium après l’arrêt de ces médicaments (pour éviter un sous-dosage).
    • Diminution d’apport en sodium (sel) ou pertes de sodium. Les taux sanguins de Lithium fonctionnent en « vases communicants » avec les taux de sodium (sel). En effet, le rein qui est chargé de contrôler la teneur du sang en électrolytes (Sodium, potassium, calcium,…) n’a quasiment « jamais vu de Lithium de sa vie ». Il le confond avec le Sodium, placé juste en-dessous de lui dans le Tableau Périodique des Éléments Chimiques. Lorsque le taux de sodium diminue, le rein réabsorbe du Lithium (l’empêche de partir dans les urines) pour compenser : toute restriction d’apport ou toute perte de sodium entraîne une augmentation du taux sanguin de Lithium, jusqu’au surdosage, et réciproquement. Le tableau ci-joint détaille les applications pratiques de ce phénomène. En cas de fièvre, de gastro-entérite, de sport intense, il faut diminuer la posologie du Lithium et demander un avis médical. Attention, notamment, à l’association aux antidépresseurs IRS et IRSNA (Effexor, Cymbalta, Ixel), ainsi qu’au Lamictal et au Tégrétol qui peuvent diminuer le taux de Lithium. 
  •  Les signes de surdosage sont les suivant : diarrhée, nausées, ralentissement, fatigue, dysarthrie (difficulté à parler), vision double, tremblements amples. Il faut, alors, faire une prise de sang pour voir quel est le taux de Lithium, mais la présence de ces signes cliniques chez une personne prenant du Lithium doit faire poser le diagnostic de surdosage. Le diagnostic de surdosage est d’abord et avant tout clinique car il existe des cas de surdosage malgré un taux sanguin et intra-érytrocytaire « normal ». Dès l’apparition de ces signes, il faut arrêter le traitement jusqu’à leur disparition puis reprendre le traitement progressivement et en ne remontant pas aux doses précédentes. Le risque de surdosage ne doit pas être dramatisé. Les conséquences graves, voire mortelles, n’arrivent pas brutalement. Si l’on est attentif aux signes cliniques de surdosage et que l’on réagit adéquatement, on évite le coma et la mort et tout rentre dans l’ordre sans séquelles.
  • Le risque de surdosage est prévenu en :
    • Évitant les causes de surdosage (déshydratation, insuffisances rénales et pertes de sodium principalement) : voir tableau Lithium Caractéristiques
    • Contrôlant la Lithiémie tous les trois mois et à chaque fois qu’il y a un doute. Il est important que le la patient(e) ait une ordonnance pour faire plusieurs lithiémies (par exemple comme celle-ci : Lithiémies). Il ou elle peut ainsi faire faire une lithiémie sans avoir à revoir son médecin, dès qu’il ou elle sent des signes évoquant le surdosage ou en tout autre occasion . Par exemple, les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (Ibuprofène,…) risquent de faire monter le taux de Lithium. Il n’y a pas de problème si l’on en prend pendant 2-3 jours, mais si le traitement se prolonge, il faut réaliser une Lithiémie pour vérifier que le taux de Lithium n’a pas augmenté. Il est bon que chaque patient(e) soit autonome pour gérer ce type de situation. De même en cas de diarrhées abondantes ou de déshydratation qui font perdre du sodium et peuvent donc faire augmenter le taux sanguin de Lithium.

Risques thyroïdiens et rénaux

Le Lithium comporte deux risques principaux :

Diminution de l’efficacité de la Thyroïde, glande située à la face antérieure du cou et qui contrôle à peu près tout dans l’organisme (voire Hypothyroïdie), dans 40% des cas. Il faut alors prendre des hormones thyroïdiennes. Dans la plupart des cas, l’hypothyroïdie régresse à l’arrêt du Lithium. (Dans de rares cas, le Lithium peut donner une hyperthyroïdie).

Insuffisance rénale. Exceptionnellement, le Lithium a pu conduire à une inefficacité des reins, nécessitant une dialyse, puis une greffe de reins. Cet effet secondaire est exceptionnel et semble ne quasiment plus survenir depuis que la règle est de de ne pas dépasser 0,8mmol/l avec le TÉRALITHE 250 mg (Libération Immédiate (LI)) et 1mmol/l avec le TÉRALITHE LP 400. Une récente revue de la littérature a montré que les études recrutant des patients traités dans les années 1960-1970-1980, où les lithiémies recommandées avec la forme à libération immédiate étaient de 0,8 à 1,2mmol/l (contre 0,5 à 0,8mmol/L actuellement), montraient des taux d’insuffisance rénale terminale entre trois et huit fois supérieurs à la population générale (ce qui correspond dans ce dernier cas à 15 cas d’insuffisance rénale terminale pour mille patients traités par le lithium contre 1,9 cas pour mille dans la population générale). Toutes ces études comportaient des biais susceptibles d’augmenter les résultats. En revanche, les études incluant des patients traités à partir des années 1990, avec la consigne de ne pas dépasser un taux sanguin de lithium de 0,8mmol/l, indiquent une possible diminution modérée de la fonction rénale (évaluée par le débit de filtration, la « clairance » de la créatine) mais pas d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale nécessitant un remplacement de la fonction rénale par la dialyse ou la greffe de rein. Comme le dit Harald Aiff et collaborateurs« modern lithium treatment may have eliminated the risk of Li-ESRD (End Stage Renal Disease (insuffisance rénale terminale) induite par la Lithium). Our findings support the continued use of lithium as a safe drug for the long-term treatment of mood disorders. »

Le risque d’insuffisance rénale grave peut donc être parfaitement prévenu par les mesures suivantes :

  • Bien surveiller la lithiémie, pour ne pas dépasser le haut de la fourchette recommandée, et surveiller la fonction rénale tous les six mois.
  • Avoir la lithiémie la plus basse possible (certains patients sont parfaitement équilibrés avec des lithiémies inférieures au bas de la fourchette).
  • Manger peu de sel (moins de 5g par jour, en comprenant le sel que vous ajoutez dans vos plats et le sel « caché » dans les plats industriels et les charcuteries : voir l’article très précis de l’OMS). Cependant, diminuer ses apports en sel en cours de traitement par le lithium expose à un surdosage de Lithium ; il faut dans ces cas-là, faire un dosage sanguin de lithium pour voir l’influence de la baisse des apports de sodium sur le taux sanguin de lithium. Le mieux est de commencer par diminuer sa consommation de sel avant la mise en place du Lithium, puis de s’y tenir.
  • Ne pas dépasser 1g/kg de poids corporel/ jour de protéines
  • Faire de l’exercice physique
  • Éviter les médicaments toxiques pour les reins (« néphrotiques »), comme les Anti-Inflammatoires-Non-Stéroïdiens.

Grossesse

Les concentrations maternelles et fœtales en lithium sont quasiment identiques.

Le Lithium entraîne un risque accru de malformations lors du premier trimestre (phase d’organogenèse), notamment cardiaques (Maladie d’Ebstein).

Lorsque la lithiémie maternelle est supérieure à 0,67mmol/l, le risque d’hydramnios (excès de liquide amniotique) au troisième trimestre, est augmenté (du fait que le fœtus urine excessivement). De même, une lithiémie maternelle supérieure à 0,67mmol/l augmente, à la naissance, le risque pour le fœtus de complications neuro-musculaires (comme des troubles de la succion) et neurologiques, le risque de séjour en soins intensifs et la durée d’hospitalisation.

En pratique :

  • En l’absence de projet de grossesse, il faut avoir une contraception
  • En prévision d’une grossesse, il faut arrêter le Lithium pendant le premier trimestre et, si possible quelques jours avant l’accouchement, pour éviter l’imprégnation du nouveau-né (la demi-vie d’élimination du Lithium est plus longue chez le nouveau-né (jusqu’à 96h00) que chez l’adulte (jusqu’à 24h00).
  • Il faut, lorsqu’on réintroduit le Lithium après le premier trimestre, trouver la posologie minimale efficace. Il est également important de veiller à l’absence de déshydratation (à cause des vomissements ou pour une autre cause) et à tous les autres risques de surdosages.
  • En cas de découvert d’une grossesse pendant le premier trimestre, il faut arrêter le Lithium et surveiller le cœur par échographie morphologique.. Au-delà du premier trimestre, il n’est pas nécessaire d’arrêter le Lithium.

(réf : Prescrire, janv 2020)

Après l’accouchement, il est fréquent que la lithiémie augmente : attention au risque de surdosage en post-partum.

Allaitement

L’allaitement est contre-indiqué.

 

Suivi biologique

Pour prévenir à la fois les surdosages et les risques thyroïdiens et rénaux, il faut réaliser une prise de sang tous les trois mois : à chaque fois on dose la Lithiémie et une fois sur deux on dose en plus les paramètres  de surveillance de la Thyroïde (TSH, voir Hypothyroïdie) et des reins (Créatinine, Clairance de la Créatinine calculée par la formule CKD Epi (Chronic Kidney Disease Epidemiology), voire mesure de la clairance de la créatinine par dosage urinaire et mesure du rapport albuminurie / créatininurie).

Au bout d’un an, si les taux sanguins de lithium sont stable, on peut ne faire qu’un bilan sanguin tous les six mois, avec lithiémie et marqueurs rénaux et thyroïdiens.

En tant que patient, il est bon d’avoir un tableau de suivi comme celui-ci  : lithium suivi du traitement

Si la lithiémie est supérieure à 1mmol/L, avant même d’en parler à votre médecin, il faut, selon les symptômes, revenir à la posologie antérieure, voire arrêter le traitement pendant 1 ou 2 jours.

Pour les médecins : il peut être bon de se faire un tableau comme celui-ci dans le dossier du patient (Tableau de suivi de la biologie du Lithium) et d’indiquer, à côté du nom du patient, en en-tête de son dossier les dates auxquelles faire les bilans rénaux et thyroïdiens, par exemple : Jean Dupont, 04, 10, pour penser à lui prescrire ces bilans (Bilan sanguin RT ) en avril et octobre.

 

Pour plus d’informations, voir la fiche destinée aux professionnels, Lithium, comment le prescrire.