Sevrage Alcoolique

Chez les patients alcoolo-dépendant, l’arrêt de la consommation d’alcool (sevrage) provoque parfois un syndrome de sevrage (perturbations physiques et psychiques), pouvant être grave et mortel.

 

Prévention du syndrome de sevrage

  • Commencer par un temps d’écoute, d’information, de réassurance, de déculpabilisation
  • Mesures de prévention :
    • Assurer un environnement calme et sans stress
    • Procurer un apport de boissons non alcoolisées en suffisance mais avec modération
    • Supprimer ou limiter les boissons excitantes (café, thé, boissons énergisantes)
    • Inciter à manger même en l’absence de faim et à heures régulières
    • Proposer des activités qui détendent (bains, marche, musique,…)
  • Surveillance rapprochée pendant les 48 premières heures, au domicile du patient, par un un(e) infirmier(e) pour mettre en place des traitements médicamenteux si besoin, voire hospitaliser

Signes cliniques du syndrome de sevrage

Le syndrome de sevrage, lorsqu’il se produit, survient en moyenne 6 à 12h00 après l’arrêt de l’alcool et se traduit par les symptômes suivants :

  • anxiété, agitation
  • tremblements
  • sudation excessive
  • nausées, maux de tête, trouble de la concentration, sédation, insomnie, tachycardie (accélération du rythme cardiaque)

Un syndrome de sevrage évolue en général favorablement, en une semaine.

Certains syndromes de sevrage peuvent être sévères et ajouter aux symptômes précédents, trois niveaux de symptômes selon la gravité :

  1. Hallucinations alcoolique, le plus souvent auditives, mais aussi visuelles et tactiles, critiquées par le patient ; parfois délire de persécution, qui amplifie l’agitation
  2. Crises convulsives généralisées
  3. Delirium tremens consistant en l’association de :
    • délire, auquel le patient adhère totalement (contrairement aux hallucinations alcooliques),
    • désorientation
    • confusion
    • perturbations de la tension artérielle et du contrôle de la température (souvent fièvre)
    • souvent des crises convulsives

Cet état évolue sur une période de 5 jours à 2 semaines.

En l’absence de traitement du syndrome de sevrage, 5% des patients évoluent vers le delirium tremens. Sans traitement, la mortalité de celui-ci est de 35%. La mise en place d’un traitement par benzodiazépines ramène le taux de mortalité à 15%. une prise en charge optimale (sédation, hydratation, correction des troubles hydro-électrolytiques, apport de vitamine B1, nursing et surveillance) ramène le taux de mortalité à 5%.

Signes avant-coureurs de syndrome de sevrage sévère :

  • Troubles visuels, auditifs et sensitifs comme une hypersensibilité au bruit et à la lumière
  • Démangeaisons (signes d’atteinte hépatique)

Quelques éléments permettent de repérer les patients à risque de syndrome de sevrage sévère :

  • Âge > 60 ans
  • Mauvais état général ; fièvre
  • Antécédent de crises convulsives généralisées
  • Antécédent de delirium tremens
  • Consommation prolongée de grandes quantités d’alcool
  • Présence de symptômes mineurs de sevrage au réveil
  • Prise de certains médicaments

Encéphalopathie de Gaillet-Wernicke

Le syndrome de sevrage alcoolique peut s’accompagner d’une atteinte cérébrale grave liée à un déficit en Vitamine B1, l’encéphalopathie de Gaillet-Wernicke.

Les apports journaliers recommandés en Vitamine B1 sont de l’ordre de 0,5 mg pour 1000 Kcalorises consommées, soient entre 1 et et 1,6 mg par jour. Notre organisme dispose d’une réserve, stockée dans le foie, les muscles, le cœur et le cerveau, pour deux à trois semaines. Les principales sources alimentaires sont les céréales complètes, la viande (surtout le porc) et les oléagineux. Le déficit en vitamine B1 provoque des troubles neurologiques et cardiaques, l’association des deux est appelée « béri-béri » dans les pays en voie de développement.

La consommation chronique d’alcool diminue les apports en vitamine B1 (en remplaçant l’alimentation équilibrée par l’alcool riche en calories mais dépourvu de vitamines), diminue l’absorption de vitamine B1 (Thiamine), diminue son stockage dans le foie et diminue sa transformation en forme active.

La Vitamine B1 a de nombreux rôles, dont celui de transformer le glucose en énergie, or le cerveau a un besoin constant de glucose pour avoir son énergie. Les patients alcooliques chroniques sont tous exposés à l’encéphalopathie de Gaillet-Wernicke. Lors du sevrage, le fait de reprendre une alimentation normale peut consommer le peu de vitamine B1 restante et précipiter ainsi l’apparition de cette affection.

L’encéphalopathie de Gaillet Wernicke se caractérise par une triade classique : confusion, ataxie (trouble de coordination des mouvements volontaires), ophtalmoplégie (paralysie oculomotrice-motrice). Cependant, seuls 10% des patients présentent cette triade. La plupart ne présentent que des symptômes peu spécifiques comme la confusion. L’encéphalopathie de Gaillet-Wernicke est donc largement méconnue, alors que sa prévalence est de 12,5% chez les patients alcoologies-dépendant selon des études sur les autopsies.

L’encéphalopathie de Gaillet Wernicke est très grave car elle évolue vers le syndrome de Korsakoff, amnésie majeure et irréversible.

Traitements du syndrome de sevrage alcoolique

Benzodiazépines

Le traitement repose sur les benzodiazépines qui diminuent les signes de sevrage, prévient les crises convulsives et diminuent la mortalité. On prescrit habituellement SERESTA (Oxazépam) 15 à 30 mg ou VALIUM (Diazépam) 5 à 20 mg trois à quatre fois par jour. La dose est à adapter en fonction de l’évolution clinique pour limiter la quantité prise. La durée est entre 8 et 10 jours, incluant la diminution des doses.

Vitamine B1 (Thiamine) pour prévenir l’encéphalopathie de Gaillet Wernicke

-> Si l’état général et nutritionnel du patient est très bon : pas de substitution

-> Si l’état général et nutritionnel est moyen : THIAMINE 100 mg, trois fois par jour pendant 2 à 3 semaines

-> Si l’état général et nutritionnel est mauvais : hospitalisation et substitution de Thiamine en intra-veineux (hospitalisation à cause du risque de réaction allergique) ; si hospitalisation impossible : THIAMINE en intra-musculaire 300 mg par jour, sous surveillance, en prévoyant le traitement en urgence d’une éventuelle réaction allergique grave.

Certaines situations requièrent un sevrage en milieu hospitalier :

  • Signes en faveur d’un risque de syndrome de sevrage sévère
  • Âge avancé
  • Insuffisance rénale
  • Insuffisance hépatique
  • Altération de l’état général
  • Dépression ; autre trouble psychique
  • Grossesse

 

Deux mesures sont à écarter des soins en prévention d’un syndrome de sevrage alcoolique:

Hydratation intensive

L’hydratation doit être suffisante pour faire face aux pertes liées à une éventuelle fièvre ou agitation mais elle ne doit pas être intensive car cela risque de décompenser des affections cardiaques  sous-jacentes et de provoquer une hyponatrémie (diminution de la concentration en sodium dans le sang) de dilution.

Vitamine B6

La Vitamine B6 (Pyridoxine) est parfois utilisée mais sans aucune preuve de son efficacité. Elle expose les patients à des neuropathies périphériques sensitives et motrices dépendantes de la dose et de la durée du traitement.

Sources :

Prescire, Janvier 2022, l’essentiel sur les soins de premier choix

Article de la Société Française de Médecine d’Urgence

Article sur l’Encéphalopathie de Gaillet Wernicke de la Revue Médicale Suisse